Sommaire :
La Gazette des Grands Prédateurs n° 77, octobre 2020
Édito
Je me souviens
Je me souviens du jour où j’ai appris officiellement le retour du loup dans notre pays, en ouvrant un magazine nature, j’avais 18 ans, je n’en croyais pas mes yeux. Malgré le conditionnement que j’avais subi avec ma génération (comme pour celles qui m’ont précédé), au rythme des contes pour enfants qui diabolisent l’animal depuis des siècles, j’ai toujours été fasciné par Canis lupus, symbole ultime du sauvage, dans un monde toujours plus artificiel.
Je me souviens du jour où les premiers loups sont arrivés dans ma Lorraine natale, presque 20 ans plus tard. Au cours de toutes ces années où je traversais l’Europe pour tenter de côtoyer « en vrai » ce prédateur insaisissable, son retour « chez moi » me paraissait plus qu’improbable, au rythme de la régulation toujours plus intensive dont il a fait l’objet et qui n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui.
En tant que naturaliste engagé pour la préservation de notre patrimoine naturel, je m’étais juré de faire mon maximum pour accompagner son retour, en m’appuyant sur mes expériences vécues dans des pays où la cohabitation avec l’homme a toujours été possible. J’ai rejoint FERUS pour être acteur de cette démarche historique qui avait déjà démarré depuis longtemps dans les Alpes françaises, où les retours d’expérience étaient déjà nombreux et encourageants, malgré le tapage médiatique et le lobbying d’une minorité qui tente toujours plus violemment d’étouffer ces lueurs d’espoir.
Et je me souviens de l’histoire de ces loups qui ont tenté de s’installer l’un après l’autre dans le Grand Est, sur ce front de colonisation qui représente un espoir pour la sauvegarde et la pérennisation de l’espèce en France, à la conjonction des dispersions des populations italo-alpines et d’Europe de l’Est. Les scénarios se suivent et se ressemblent : 2011 dans le massif vosgien, 2013 dans l’ouest vosgien, 2014 en centre Meuse et dans l’Aube, de 2015 à 2020 au sud de Toul, et tout dernièrement, quelques mois d’été en 2020 entre Vosges et Haute-Saône.
A chaque fois, des foyers d’attaque non maîtrisés sur les troupeaux domestiques qui génèrent des centaines de bêtes prédatées, un manque chronique d’anticipation, des éleveurs non préparés et livrés à eux-mêmes, des traques acharnées pour supprimer le plus rapidement possible ces perturbateurs, et des associations qui tentent de trouver des solutions sur le terrain pour sortir de ces spirales infernales.
Et à chaque fois la même issue, des loups qui disparaissent du jour au lendemain, des rumeurs locales récurrentes de braconnage, sans aucune démarche pour les vérifier.
Le dernier épisode de cette macabre série est comme la goutte qui fait déborder le vase.
Alors s’il vous plaît, arrêtez les frais.
Nous pouvons faire mieux que ça au 21ème siècle dans une société soi-disant civilisée.
J’espère ne jamais avoir à dire à mes enfants « je me souviens du temps où les loups étaient revenus naturellement en France, mais certains hommes n’étaient pas prêts à lui redonner la place qui a toujours été la sienne, à nos côtés ».
Après les loups, les éleveurs et les troupeaux disparaîtront, si cette logique implacable de volonté de maîtriser la nature et de vouloir s’en affranchir pour vivre sur cette planète se poursuit à ce rythme.
Tout se tient, ne l’oublions pas.
FERUS n’abandonnera pas cette quête de la cohabitation apaisée avec les grands prédateurs, et avec le loup en particulier, qui a déjà subi assez de persécutions au cours des siècles.
L’espoir existe un peu partout, là où des femmes et des hommes ont appris à vivre avec le loup, comme avec toutes les autres composantes de la Nature qui nous entoure.
Sachons nous en inspirer
Par Philippe Russo, administrateur de FERUS
Sommaire :
- Info asso
- Actus loup. La honte, encore et encore. Par Sandrine Andrieux
- Actus Ours. Retour du sport estival : taper sur les ours. Par Patrick Leyrissoux
- Palatinat, les lynx de l’espoir. Par Christelle Scheid
- Abruzzes, une famille nombreuse. Par Jean-Marc Lustrat
- Dans les races du sauvage. Par Lucie Brugat-du Hommet
- Brèves du monde
- Biélorussie, le pays où les lynx grimpent aux arbres. Par Jean Claude Génot et Annick Schnitzler
- Loups et ours en France : détrese ou décrédibilisation des éleveurs ? Par Farid Benhammou
- Galerie. Abruzzes. Jean-Marc Lustrat
Et toujours, les rubriques actus monde, vie associative, la vie des réseaux, galerie…
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